Pourquoi nous ne signons pas la pétition contre le dépôt de sédiments de Seine sur le site « Machu »

Nous avons participé en novembre 2017 à l’enquête publique sur ce projet du Grand Port Maritime de Rouen et émis un ensemble de remarques et recommandations. Le GRAPE avait émis un avis défavorable.
Aujourd’hui le GRAPE, relayant plusieurs communes et associations du littoral de la Baie de Seine, lance une pétition contre le dépôt de sédiments de Seine sur le site Machu intitulée « Non la Baie de Seine n’est pas une poubelle »

Les arguments de la pétition continuent de faire l’amalgame entre les sédiments dragués suite aux travaux d’amélioration des accès du port de Rouen et ceux qui seraient clapés (déposés) sur Machu :
– les sédiments dragués entre Rouen et Tancarville, 800 000m3 par an, sont pollués mais en dessous du seuil N1 sauf une exception à N2, et sont traités à terre – ce qui ne va pas sans questions de stockage et de risques de pollution du voisinage –
– les sédiments entre Tancarville et l’embouchure de la Seine sont surtout apportés par la mer et il faut bien les évacuer pour maintenir le tirant d’eau du chenal, ce sont ces derniers et ceux-là seuls qui sont destinés à Machu. Leur degré de pollution n’est pas supérieur à celui de l’eau de mer ; les analyses ont montré que les niveaux de pollution chimique et bactériologique de ces sédiments sont du même ordre que ceux des eaux de la Seine et de la Baie de Seine ; le facteur majeur de pollution est donc en amont, dans tout ce qui grève le bon état écologique des eaux alimentant la Baie de Seine, et non dans la supposée toxicité spécifique des sédiments de cette partie du chenal (souvent perçus a priori comme « sales » à travers les mots « boues », vase »…)

Les sédiments clapés sont remaniés à bref délai par les courants marins, et le chiffre de 50 millions de m3 accumulés sur Machu en 10 ans est une simplification rapide. La biodiversité sur le site est surtout représentée par des vers fouisseurs, moins affectés par les dépôts.
D’autre part les quantités interdisent actuellement de traiter ces sédiments à terre : 5 000 000m3 par an  c’est un tas de 50m de haut sur 10 hectares…ou 5m de haut sur 100 hectares, à évacuer chaque année. La pétition ne mentionne pas ce problème…de taille, ni le fait que malgré tous les inconvénients, les marchandises qui transitent sur la Seine sont autant de camions en moins sur la route : un cargo de 100 000 tonnes transporte l’équivalent de plus de 3500 camions.

Par ailleurs les études préalables à l’enquête publique ont permis à tous les intervenants de s’exprimer, et elles se poursuivent, par exemple sur la méthode de dépôt en bandes discontinues qui limite les effets sur la faune benthique. Nous avons demandé de doubler, voire tripler les budgets de suivi, et d’inclure les polluants émergents actuellement non étudiés.
Nos collègues de Ecologie Pour Le Havre avaient recommandé « par une approche que l’on pourrait comparer à l’agroforesterie et la permaculture à terre ../..d’étudier tout ce qui peut permettre la conjonction de diverses activités sur les mêmes espaces maritimes en visant en premier lieu la préservation des milieux, via, entre autres, des dispositions favorisant la résilience, la régénération et même l’enrichissement de la biodiversité ; de telles dispositions ont été obtenues pour Machu (avec l’aval du comité régional des pêches) et c’est aussi ce que nous nous efforçons de préconiser pour les parcs éoliens ou hydroliens ou tout autre projet ayant des incidences sur les milieux marins et littoraux »

En conclusion
Nous pensons qu’il est contre-productif de contester systématiquement, avec des expressions se voulant frappantes ( poubelle, dragages incessants) ou erronées (amalgame sur les sédiments et les chiffres ) voire fausses (la pêche à la coquille St Jacques n’est pas interdite en Baie de Seine) des projets dans lesquels l’autorité publique a fait une place à la concertation, toute insuffisante qu’elle soit.
Nous pensons qu’il faudra gérer le projet en phase exploitation dans un esprit expérimental. L’arrêté prévoit des suivis annuels ainsi que la possibilité d’être modifié tous les 5 ans, ces suivis doivent être renforcés et leur résultats entraîner si besoin une modification de l’arrêté. Ces études doivent bénéficier de budgets renforcés, en attendant de très hypothétiques solutions de traitement à terre et, à long terme, de réduction de l’activité portuaire de Rouen.
On nous objecte parfois que cette attitude est trop permissive. Nous considérons que les données doivent être étudiées avec rigueur, et chaque situation évaluée en fonction à la fois de la gravité du problème et de la faisabilité des solutions.
Mais bien sûr il y a des domaines dans lesquels aucune concession n’est possible, c’est le cas du nucléaire, notamment à cause de l’extrême dangerosité des déchets et de problèmes financiers insolubles, et aussi parceque les alternatives existent comme le démontre par exemple le scénario negaWatt.

Nous rappelons la contribution du CREPAN de novembre (lien sur ce pdf)

Et la Contribution d’Ecologie Pour le Havre (lien sur ce pdf)

Joel GERNEZ

carte machu

 

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2 Responses to “Pourquoi le CREPAN ne signera pas la pétition contre le dépôt de sédiments de Seine sur le site « Machu »”

  1. TRESGOTS

    Bonjour,
    Comment le site de Machu a-t-il été choisi ?
    A l’origine le projet prévoyait non seulement de draguer les sédiments mais également d’écrêter le fond rocheux pour permettre d’avoir des navires avec un tirant d’eau suffisant, qu’en est-il maintenant ?
    Que se passe-t-il, en amont de la zone concernée, lorsque l’on enlève des sédiments ou des roches dans le fond d’un fleuve ?
    Les sédiments clapés sur le site de Machu sont-il sensés rester sur place ?
    Je vous remercie de vos réponses.
    Cordialement.

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    • Claire Loyer

      Bonjour,

      Merci de vous intéresser à notre publication !
      – Machu est un projet de dépôts de dragage, complètement différent du projet d’Amélioration des Accès Maritimes du port de Rouen, qui comporte effectivement un écrêtement des roches gréseuses du lit de la Seine. Les associations écologistes, en particulier Ecologie pour le Havre, avaient voté contre ce projet

      Nous sommes favorables à Machu sous réserve des conditions de suivi proposées dans l’article
      – Machu a été étudié à partir de 2010 suite à la prévision de saturation du site Kannick
      – Machu ne concerne strictement que les sédiments dragués en aval de Tancarville, ils sont essentiellement d’origine marine (baie de Seine)
      – Tous les sédiments dragués en amont de Tancarville (800 000 M3 par an) sont traités à terre
      – Les sédiments Machu ne restent pas en totalité sur place, ils sont remaniés par les courants, et une partie remonte dans la Seine. On considère (à ce jour) environ 30% restant sur place et le reste entraîné dans la baie et vers le fleuve, c’est pourquoi le chiffre de 50 millions de m3 accumulés sur 10 ans n’est pas un calcul valable.

      N’hésitez pas à nous faire parvenir votre adresse mail si vous désirez plus de renseignements .

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